Aurel Manga
Découvrez le parcours d’Aurel Manga, champion de France du 110 mètres haies et assistant maîtrise d’œuvre et travaux télécoms.
« Être le plus malin, pas forcément le plus fort »
Sa carrière
À la maison, régnait le « trash talking », cette culture du chambrage typique du sport nord-américain. Dans la famille Manga, où l’on ne rate jamais un bon match de NBA, Aurel est le plus jeune de la fratrie. Au-dessus de lui, deux grands frères et deux grandes sœurs, tous sportifs accomplis. Autant dire que le petit dernier avait intérêt à savoir jouer des coudes et ne pas manquer de répartie pour survivre. « L’esprit de compétition, c’était constant entre nous, du terrain de sport jusque devant la console, se rappelle-t-il avec le sourire. On se charriait à base de mots anglais pour faire plus vrai. »
« J’ai commencé l’athlé pour battre mon frère »
Et pour ce qui est d’en découdre en famille, Aurel Manga est servi, l’un de ses frères n’est rien de moins que le recordman de France cadets de triple saut. De quoi décourager d’emblée ou au contraire, d’y puiser une énorme source de motivation. « J’ai débuté tout bêtement l’athlé car je voulais battre le grand frère », reconnaît-il d’un ton placide.
Les premiers pas du petit dernier
Aurel s’entraîne au stade, situé tout près de la maison familiale à Savigny-le-Temple (Seine-et-Marne). Ces frères et sœurs sont déjà tous inscrits au club de la ville. « Être le dernier arrivé n’a pas été forcément simple, admet-il. Vu que j’ai grandi moins vite qu’eux, j’étais moins en avance sur le plan athlétique et au départ, la comparaison piquait un peu. » Parallèlement, le jeune Aurel pratique le handball avec son équipe de Torcy. Mais choisit définitivement l’athlétisme après l’obtention de son bac.
L’apprentissage des haies
Aurel Manga décide, la majorité à peine entamée, de se consacrer entièrement au 110 mètres haies. Le hurdler reconnaît que son ascension s’est faite non sans encombres : « Pour en arriver où j’en suis aujourd’hui, il a fallu que je m’en mange pas mal des haies, que je tombe un nombre incalculable de fois et que je me relève en essayant de me convaincre que ça ne faisait pas mal. »
De la piste seine-et-marnaise à l’INSEP
« Je me suis senti de suite plus à l’aise, avec ces quatre appuis entre les haies, se remémore-t-il. Je courais bien, je faisais de bons chronos et pour la première fois, je me suis dit qu’il y avait moyen. » Jeune pousse prometteuse de l’athlétisme tricolore, Aurel Manga intègre l’INSEP, en 2012. Il a alors 20 ans et tous les feux sont au vert. Trois ans plus tard, c’est la déconvenue.
Des blessures et une rencontre décisive
Aurel Manga enchaîne les blessures et fatalement, les contre-performances. Le haut niveau a cela d’impitoyable, il faut toujours faire ses preuves en un temps record. On lui indique donc la sortie pour manque de résultats. Un méchant coup sur la tête que le finaliste aux JO de Tokyo 2020 juge aujourd’hui « salvateur ». « À l’INSEP, on a toutes les cartes en main pour devenir champion olympique mais paradoxalement, on ne nous apprend pas forcément à les utiliser », considère-t-il. Désormais livré à lui-même, Aurel Manga fait alors une rencontre décisive avec un nouvel entraîneur.
Le niveau international
L’entraîneur s’est occupé, ces dernières années, des meilleurs Français de la discipline dont Dimitri Bascou, aujourd’hui partenaire d’entraînement d’Aurel Manga. « La première chose que je lui ai dite, c’était : “Je veux être en mesure de viser une médaille olympique en 2020”, il a tapé dans ma main, c’était parti ! », raconte ainsi Aurel Manga. Sous sa férule, l’ex-pensionnaire revanchard de l’INSEP bascule du « niveau national au niveau international ».
La déception de Rio 2016, la finale de Tokyo 2020
Après avoir été non retenu pour les Jeux Olympiques de Rio 2016, malgré la réalisation des minima, la faute à trois places pour quatre hurdler éligibles, Aurel réprime son envie de ranger les pointes pour se concentrer sur les courses indoor où il se sent « plus détendu ». Avec une médaille de bronze, en 2018, aux championnats du monde en salle puis l’année d’après, aux championnats d'Europe, l’athlète qui suit, en parallèle, des études d’ingénieur à la Sorbonne, entre dans une dynamique positive qui le conduit jusqu’en finale des JO de Tokyo 2020.
« Un prétendant au podium aux yeux du monde »
« Se retrouver parmi les huit meilleurs mondiaux, ce n’est pas rien, c’est une grosse étape dans ma carrière », se souvient-il. Aurel sait qu’il est dorénavant « aux yeux du monde, un prétendant au podium », celui avec lequel il faut compter à chaque grande compétition. Et Paris 2024 dans tout ça ? « J’ai tellement hâte que ça arrive et d’ici là, je vais bosser comme un fou ».
La SNCF, une heureuse surprise
« Bosser comme un fou », Aurel Manga sait de quoi il parle, lui qui a obtenu, en 2020, un master d’électronique embarquée, le sésame adéquat pour entrer de plain-pied dans la vie active. Ça tombait bien puisque, quelques mois plus tard, le triple-sauteur Harold Correa, multiple champion de France et accessoirement agent commercial Transilien, évoque avec lui l’existence du Dispositif Athlètes SNCF. Aurel Manga n’est pas du genre à lambiner, les contacts sont immédiatement pris. « Je ne me voyais pas attendre la fin de ma carrière sportive pour entrer dans le vif du sujet, détaille-t-il. Et puis, j’ai toujours eu cet équilibre entre entraînement et travail, que ce soit à la fac ou désormais à la SNCF».
Un changement d’image sur le Groupe
Sa Convention d’insertion professionnelle est signée juste avant les Jeux Olympiques au Japon, en juin 2021. Le voilà donc assistant maîtrise d’œuvre - travaux télécoms à l'établissement de Services Télécoms et Informatiques Île-de-France de SNCF Réseau, un point de chute pas forcément évident au départ. « C’est vrai qu’à la base, j’étais plus attiré par l’automobile. La SNCF, pour moi, ce n’était que du rail, l’image du cheminot classique, commente-t-il. Mais dès que j’ai postulé, j’ai pris conscience de l’importance de l’entreprise, de la diversité de ses métiers et des carrières possibles ». Lui qui reconnaît aisément avoir été au préalable plus intéressé par le dispositif que par le Groupe en lui-même admet, aujourd’hui, avoir changé de point de vue.
Évoluer sur le long terme
L’accueil qu’il a reçu de la part de ses collègues a aussi joué un rôle décisif. « Il y a pas mal de gars qui ont de la bouteille. Avec leur grande expérience, ils auraient pu se montrer un peu abrupts, faire preuve d’impatience, décortique-t-il. Mais, c’est tout le contraire, ils sont toujours très cools, prennent vraiment le temps de m’expliquer le boulot, il y a beaucoup d’échanges, jamais de silence. » Aurel Manga est d’autant plus heureux qu’il a pour objectif, sur le long terme, d’accéder à des postes à responsabilité. En attendant, le cheminot se forme et ce, notamment sur les questions de sécurité qu’il n’imaginait pas « si cruciales avant d’attaquer certaines missions ». De son propre aveu, il y a donc « beaucoup à faire », l’histoire ne fait que commencer mais le plaisir est déjà là.