Rails empilés

Décarboner nos achats pour réussir la transition écologique

Les achats représentent encore les trois quarts de nos émissions de CO2. Le directeur de la décarbonation et de la stratégie circulaire des Achats, Yann Mazloum, présente notre pour introduire, d’ici deux ans, des critères de notation liés aux émissions de carbone de nos fournisseurs dans tous nos appels d’offres.

Une triple responsabilité

Acteur incontournable des mobilités bas carbone, la SNCF a une triple responsabilité dans le processus de transition écologique :

  • développer l’utilisation du train
  • aider nos clients et nos partenaires à se décarboner
  • réussir notre propre transition écologique.

Parmi nos partenaires figurent quelque 20 000 fournisseurs auprès desquels la SNCF a acheté, en 2023, plus de 14 Mds€ de travaux, de fournitures (notamment industrielles) ainsi que des prestations de services et intellectuelles.

  • Nous avons réalisé

    14 Mds€

    d’achats, en 2023, auprès de 20 000 fournisseurs

  • Le prix de

    100€

    la tonne de CO2e a été fixé par notre Groupe

  • Encore

    75%

    de nos émissions de gaz à effet de serre proviennent de nos achats

L’absolue nécessité de la décarbonation

Décarboner la supply chain des cinq SA qui composent le cœur ferroviaire de la SNCF, apparaît donc comme une absolue nécessité pour décarboner nos activités. Directeur de la décarbonation des Achats de la SNCF et membre de la direction des Achats Groupe, Yann Mazloum présente la démarche ambitieuse adoptée par la SNCF. Elle vise à introduire des critères de notation, accessibles, équitables et transparents, liés au carbone dans tous nos appels d’offres. Cette notation repose notamment sur le prix interne du carbone, fixé actuellement au minimum à 100€ par tonne de CO2e.

En quoi supply chain et transition sont liés ?

Yann Mazloum : Nos achats de travaux, de fournitures, de prestations de services et de prestations intellectuelles, c’est plus de 4Mt de CO2e, l’équivalent de la consommation annuelle d’une ville comme Toulouse, et le 1er poste d’émissions de GES de la SNCF. Ce carbone intégré dans nos achats, c’est celui de nos fournisseurs qui sont eux-mêmes très souvent des assembleurs ou des utilisateurs de services déportés chez nos fournisseurs de rang 2, de rang 3... Voilà pourquoi en travaillant aujourd’hui sur la décarbonation de nos achats nous travaillons sur la décarbonation de l’ensemble de la supply chain.

Décarboner est donc nécessaire…

Y.M. : Ce travail est même prépondérant pour atteindre les objectifs de décarbonation de la  SNCF. Notons que depuis 2022, la décarbonation de notre supply chain est l’une des 4 missions qui incombent à la filière Achats de la SNCF, au même titre que la performance économique, par exemple.

Comment cela va-t-il se traduire concrètement ?

Y.M. : D’ici deux ans, nous serons en mesure d’introduire des critères carbone sur tous nos appels d’offres avec une notation qui repose notamment sur le prix minimum interne du carbone, fixé actuellement à 100€/t de CO₂e.

Ces critères n'étaient pas déjà pris en compte ?

Y.M. : Notre exemplarité de grand donneur d’ordres dans le domaine de la RSE est aujourd’hui reconnue et nous disposons d’ores et déjà de marqueurs forts puisque la majorité de nos appels d’offres intègrent actuellement des critères de notation RSE. Et en 2023, plus de la moitié de la dépense a été contractualisée avec une pondération des critères RSE supérieure à 20%. Néanmoins, sur le périmètre du carbone, ceux-ci demeurent encore trop qualitatifs.

C’est-à-dire ?

Y.M. : Concrètement, nous notons plus favorablement une offre fournisseur qui a une politique de décarbonation plus avancée et avec des objectifs plus élevés qu’une autre offre. Toutefois, nous ne notons pas encore systématiquement les masses de CO2 associées aux différentes offres. Ce passage du qualitatif au quantitatif est la cible de notre stratégie progressive et ambitieuse de la décarbonation de nos achats.

Comment nos émissions de CO₂ sont-elles réparties ?

Y.M. : Avec 4Mt CO2e, les Achats représentent la très grande majorité des émissions de gaz à effet de serre de la SNCF. Hors achats d’énergie, un domaine particulier sur lequel les leviers de décarbonation sont très spécifiques, les achats de la SNCF se composent essentiellement d’Achats industriels, par conséquent les émissions de gaz à effet de serre  se répartissent de la manière suivante :

  • travaux : 40%
  • fournitures, dont fournitures industrielles (trains, rails, roues, caténaires, etc.) : 40%
  • prestations de services et prestations intellectuelles : 20%

De quelle manière leur décarbonation va-t-elle se décliner ?

Y.M. : La famille prioritaire est évidemment celle des Travaux. Pour répondre aux ambitions de la SNCF, nous devons désormais être efficaces dans ce domaine, et nous ne nous interdisons pas d’attaquer en parallèle d’autres familles d’achats. D’ici deux ans, nous devons être en mesure de pouvoir noter, autrement dit « bonusser » ou « malusser » une offre fournisseur en fonction de ses masses d’émissions de CO2e sur toutes les familles de la filière Achats de la SNCF.

Quel processus allez-vous déployer ?

Y.M. : Afin de structurer la démarche nous avons arrêté un processus standard que nous déclinons par familles d’achats : identifier les principaux postes d'émissions de gaz à effet de serre au sein des différentes familles d’achats. Une fois ce travail de cartographie réalisé, les postes émetteurs de CO2 sont traduits en critères de notation quantifiables avec les éléments de preuves associés. Et pour clore ce processus nous disposons de méthodes de notation associées à des pondérations adaptées aux enjeux du marché.

Sur ce point la fixation du prix du CO₂ est une opportunité..

Y.M. : Tout à fait, cela  nous permet de donner un coût aux masses de CO2e contenues dans les offres de nos fournisseurs. C’est tout le travail que nous réalisons actuellement sur deux familles d’achats : les travaux, fortement carbonés du fait notamment de la présence de fournitures elles-mêmes fortement carbonées comme le béton et l’acier, et les achats de prestations intellectuelles et de services, qui englobent principalement des enjeux de déplacements de salariés. 

Quelles difficultés rencontrez-vous ?

Y.M. : Le challenge le plus important est d’identifier des critères robustes, différenciants et atteignables techniquement et économiquement. Tout l’enjeu est de placer la barre à un bon niveau. Pas trop haut, pour que nos marchés restent accessibles et globalement performants, pas trop bas non plus, parce que si tous les fournisseurs savent sauter la barre c'est « l'École des fans ». La vraie difficulté est là. C’est pourquoi nous sommes dans une démarche de co-construction qui inclut toutes nos parties prenantes : les fournisseurs évidemment, mais également les parties prenantes internes.

La seconde difficulté est la capitalisation et donc la fiabilisation des données liées au carbone. En effet, ces informations dans nos processus Achats (critères, clauses contractuelles, facteurs d’émissions, éléments de preuves….) sont encore très récentes et ne sont pas assez partagées et « challengées » au sein de nos écosystèmes. Nous devons donc nous doter d’un outil et de processus associés pour progresser rapidement sur ce point. Aller identifier et déloger le carbone chez nos fournisseurs et donc chez les fournisseurs de nos fournisseurs est un impératif pour réussir notre propre transition écologique.  

Comment comptez-vous le faire ?

Y.M. : Nous avons interrogé récemment nos principaux fournisseurs à propos des pistes de décarbonation qu’ils étudient sur les fournitures et les prestations achetées. Les premiers retours nous confortent quant à la bonne prise en main de cet enjeu majeur. En effet, 75% de ce panel a mesuré, certes parfois partiellement, son empreinte carbone, et plus de 50% s’est doté d’objectifs ambitieux de décarbonation de leurs activités. C'est encourageant, car ces fournisseurs représentent la moitié des émissions de gaz à effet de serre de nos Achats. Nous leur avons également demandé ce qu'ils attendaient de la SNCF pour les accompagner dans leurs démarches.

Que réclament-ils ?

Y.M. : Ces fournisseurs réclament que le carbone fasse désormais partie des critères de notation dans les appels d’offres. Nous sommes un groupe qui fait partie et qui défend la totalité des acteurs de la filière ferroviaire. Nous devons pour cela mobiliser toutes les parties prenantes autour de solutions bas-carbone, économiquement acceptables et alignées avec nos plannings.