
SNCF Groupe GPT : notre « solution maison » d’IA générative
Découvrez, en compagnie de notre expert Laurent Hardy, Responsable de 574 IDF au sein de la Direction Numérique Groupe, comment le Groupe déploie cet outil interne, sécurisé et évolutif au service de la performance.
Une solution « made in SNCF » gage d’indépendance
En développant et en maîtrisant ses propres outils d'intelligence artificielle (IA), la SNCF assure son indépendance technologique. Le Groupe entend ainsi garder un contrôle total sur ses données sensibles et ses processus. Illustration avec SNCF Groupe GPT, l’outil d’IA générative destiné à nos collaborateurs. Responsable de 574 IDF au sein de la Direction Numérique Groupe1, Laurent Hardy revient sur la genèse et le déploiement de cette solution made in SNCF et, plus largement, sur l’utilisation faite de l’IA au sein de l’entreprise.
Pourquoi recourir à l’intelligence artificielle à la SNCF ?
Laurent Hardy : Nous avons recours à l’IA depuis longtemps à la SNCF. Les algorithmes sont ainsi au cœur des méthodes de ventes de billets de train sur l’application SNCF Connect, par exemple, pour déterminer les tarifs en fonction du taux de remplissage, ou échanger avec nos outils de conversation en ligne. Les Jeux de Paris 2024 nous ont aussi permis de développer une fonctionnalité supplémentaire sur le smartphone de nos agents. Une application, baptisée Trad SNCF, déjà testée lors de la Coupe du Monde de Rugby France 2023, leur permet de communiquer en 130 langues avec les voyageurs venus du monde entier.
Pour nos développeurs, l’IA dite générative offre de nouvelles possibilités en matière de création de contenus et de modèles. Cela nous permet de réduire les temps de développement ainsi que les coûts. En clair, l’IA est gage de simplification à la fois pour les cheminots et les voyageurs. Elle fait gagner énormément de temps aux équipes.
En quoi le développement de l’IA générative est-il une avancée majeure ?
L.H. : Les techniques d’apprentissage automatique de l’IA générative, à l’image de ChatGPT, nous permettent de générer à la fois des contenus (images, vidéos, musique, textes, voix, code informatique), de l’intelligence documentaire et des interactions grâce aux bots. Ses bénéfices possibles sont nombreux tant en termes de productivité que de qualité des productions mais aussi de coûts et de personnalisation de l’expérience utilisateur.
Le groupe SNCF prend en marche le train de l’IA générative et commence à explorer le potentiel de cette technologie en plein essor. Toutefois, comme pour toute innovation, il est impératif de cerner les limites inhérentes à cette nouvelle technologie : erreurs d’interprétation, propriété intellectuelle mal respectée, usages éthiques…
3 300
agents utilisent déjà SNCF GPT
70%
des cas d’usage de l’IA remontés concernent la recherche documentaire
70 000
documents internes bientôt exploitables via l’IA générative
D’autant plus que ces outils sont accessibles à tous…
L.H. : Tout à fait, dans cette révolution encore en cours, ce qui est impressionnant, c'est la facilité et la simplicité d'usage. N'importe qui peut demander facilement un compte rendu de réunion, faire de l’analyse documentaire ou la création d'une image pour illustrer un rapport. Plus besoin d'être un expert : il suffit d'avoir reçu deux heures de formation pour savoir comment faire des « prompts » de façon efficace. L’IA c’est comme le digital, c’est la qualité des usages qui fait que cela peut se transformer en valeur.
Comment ces nouvelles fonctionnalités arrivent-elles à la SNCF ?
L.H. : Plusieurs fonctions de cette nouvelle IA sont entrées dans la vie de la SNCF. La première, « l'IA pour tous ». Les équipes numériques d’e.SNCF Solutions sont parties du logiciel ChatGPT d'OpenAI, qu'elles ont renforcé avec le logiciel de la société française Mistral. Elles ont conçu spécialement pour leurs équipes un environnement sécurisé : tout reste uniquement dans un cadre SNCF, pour éviter une fuite des documents internes.
La deuxième fonction de l'IA est en cours de déploiement : il s'agira d'exploiter les 70 000 documents internes de la SNCF au fur et à mesure qu'ils seront adaptés à son usage. Cela concerne des sujets techniques, comme la sécurité, la mécanique et les infrastructures, ou des sujets économiques.
La maîtrise de l'IA et son intégration au sein de la SNCF (...) ont des implications profondes et stratégiques pour l'entreprise.
Qu’est-ce que cela change concrètement ?
L.H. : Avant, quand on cherchait quelque chose dans les documents, on utilisait Google et on avait 15 ou 20 réponses. Désormais, avec l'IA, on obtient une seule réponse, et on a systématiquement le lien vers le document source, pour bien vérifier que c'est la bonne réponse. Cela fait gagner beaucoup de temps. De même, l'application a été réglée de telle sorte qu’il lui est interdit d'inventer des réponses quand elle ne peut pas fournir de solution.
Pourquoi déployer ce Chat GPT made in SNCF ?
L.H. : Le groupe SNCF a développé son propre outil qu’il met à disposition de ses agents sous forme d’instances dédiées et sécurisées. Évolutif, SNCF Groupe GPT intègre différents grands modèles de langage (LLM). L’outil est conçu pour s’adapter aux besoins spécifiques des différents métiers et services de l’entreprise, en tenant compte de leur vocabulaire, de leur style et de leurs contraintes. Les agents peuvent lui poser toutes leurs questions et lui demander des tâches, comme faire un résumé d'un article de presse concernant la SNCF, qu'ils ont vu dans notre revue interne par exemple, ou bien traduire un document, ou encore extraire des données d'un gros rapport.
Une IA générative, de multiples cas d’usage
L’IA générative permet : la génération de contenu (emails, texte, image, vidéo, code informatique…), l’intelligence documentaire (analyse de documents, résumé, reformulation, traduction…), les interactions (chatbot, dialogue temps-réel, interactions avec les contenus…). À la SNCF, 70% des usages remontés de l’IA générative sont de la recherche documentaire. Qu’il s’agisse d’obtenir une documentation pertinente générée à partir d’une masse de documents internes, une documentation technique et métier (SNCF Matériel, DNCSI, Direction Industrielle…), une documentation des fonctions support (DRH, Achats…) ou une documentation des dossiers de consultation (TER, Transilien…). L’IA générative est aussi utilisée dans la comparaison et la génération de documents et l’analyse des réclamations et sentiments clients pour le marketing chez SNCF Voyageurs.
Comment les métiers s’adaptent-ils ?
L.H. : Au sein du Groupe, l’IA nous est déjà très utile pour les appels d'offres sur les lignes régionales (TER, Transilien, Keolis). Or, les régions changent régulièrement leurs demandes et nous pouvons demander à l'IA de souligner uniquement ce qui aura changé dans le nouveau dossier, plutôt que de devoir tout lire in extenso, ce qui fait gagner énormément de temps aux équipes.
La maîtrise de l’IA est aussi une question de souveraineté…
Elle a des implications profondes et stratégiques pour l'entreprise. En développant et en maîtrisant ses propres outils d'IA, la SNCF s’assure une indépendance technologique. Cela permet de réduire la dépendance vis-à-vis de fournisseurs externes et de garder un contrôle total sur les données sensibles et les processus internes. De même, la protection des données est cruciale, surtout dans un secteur aussi sensible que le transport ferroviaire. En gardant le développement de l'IA en interne, la SNCF peut mieux garantir la confidentialité et la sécurité des informations traitées.
Nous travaillons autour de 3 axes principaux : l’accès à l’IA générative pour tous, le partage des cas d’usage et les impacts de ces outils en termes éthiques, RH et environnementaux.
Comment les collaborateurs sont-ils formés à l’ensemble de ces solutions ?
L.H. : Avec les 574 Territoires1 à la manœuvre, on a commencé par former les cadres dirigeants pour qu'ils comprennent bien la technologie et son impact, puis les 800 directeurs techniques qui encadrent les agences, et enfin nous passons aux différentes fonctions (achats, RH, ventes...).
Fin septembre 2024, 8 000 agents du Groupe ont déjà fait le saut vers l'IA. Et plus de 3300 agents utilisent SNCF GPT. De plus, l’École numérique a aussi développé des modules e-learning sur le sujet.
Quelle gouvernance est-elle mise en place sur le sujet ?
L.H. : Un comité IA générative a été mis en place à l’échelle du groupe SNCF. Il est animé par le Directeur Numérique Groupe, Julien Nicolas et se compose d’un représentant IA générative par SA ainsi que de représentants des fonctions transverses majeures de SNCF Holding (Direction de l'Éthique, Direction Stratégie, Optim’services, etc.). Nous souhaitons ainsi fédérer le Groupe autour d’une stratégie globale sur l’IA générative et être en appui des SA dans l’adoption et la prise en main de ces solutions. Pour ce faire, nous misons sur le partage des cas d’usage et des retours d’expérience entre SA afin d’éviter de multiplier les développements en silo pour des besoins identiques. En clair, notre ambition est de bâtir une infrastructure Groupe sécurisée et d’exploiter cette force face aux acteurs et éditeurs externes de l’IA.
Autour de quelles thématiques ce travail se structure-t-il ?
L.H. : Nous travaillons autour de 3 axes principaux. Le premier est l’accès à l’IA générative pour tous. Cela passe par une sélection et le déploiement de ces nouveaux outils pour une majorité d’agents du Groupe, leur accompagnement et de la formation aux projets d’IA générative. Le deuxième axe est celui de la priorisation et du partage des cas d’usage de l’IA générative à la SNCF. Des réflexions sont menées sur les angles d’application, le plan stratégique et les enjeux du groupe, notamment en matière de changement climatique. Dernier axe : les impacts de l’IA générative, qui implique une prise en compte des dimensions éthiques, cyber, ainsi qu’une réflexion étendue aux impacts RH et environnementaux.
Quels sont les défis à venir ?
L.H. : Ils sont nombreux. Parmi nos priorités : démultiplier l’acculturation des agents et managers, mettre à disposition les outils d’IA générative (type SNCF GPT) et gagner la confiance des utilisateurs dans les décisions prises par l'IA. En effet, les algorithmes sont souvent perçus comme des « boîtes noires », et il est crucial de rendre leur fonctionnement plus transparent pour obtenir une acceptation plus large. Assurer la sécurité des données et la confidentialité des interactions est aussi un défi opérationnel important, de même que garder un haut niveau de vigilance sur les enjeux éthiques, humains et environnementaux.
L’IA est aussi un vecteur d’attraction pour le Groupe…
L.H. : Évidemment, au-delà de ces aspects essentiels pour la productivité de l'entreprise, il y a aussi l'obligation de rester compétitif sur le marché de l'emploi. Pour attirer des nouveaux talents, proposer ces outils d'IA est donc devenu indispensable. Les étudiants (c’est le cas de nos 8000 alternants) utilisent ChatGPT pendant leurs études, ils ne comprendraient pas de ne pas avoir son équivalent en entreprise.
SNCF Groupe GPT représente donc une avancée significative dans l'intégration de l'intelligence artificielle au sein de la SNCF. En facilitant l'accès à l'information et en améliorant la prise de décision, cet outil promet d'optimiser les opérations internes et de préparer l'entreprise aux défis futurs de la transformation numérique.