Mur anti-bruit le long des voies

Nos engagements pour la réduction du bruit ferroviaire

Modernisation des voies, écrans acoustiques, travaux d’isolation et prospective… Notre « Monsieur acoustique et vibrations » explique comment les équipes de SNCF Réseau font diminuer le bruit ferroviaire, qui impacte les riverains de nos lignes, pour atteindre notre objectif : doubler la part modale du train.

Le bruit, un coût social considérable

Le coût social du bruit en France est estimé à 147,1 milliards d’euros par l’ADEME1. Les deux tiers de cet impact sont liés au secteur des transports, et 7,6% du coût total est imputable au ferroviaire. Rénovation de voies, écrans acoustiques, travaux d’isolation, évolution du matériel roulant et prospective… Nos équipes SNCF Réseau sont mobilisées depuis plus d’une dizaine d’années pour traiter le bruit dans les quelque 60 000 bâtiments identifiés en 2010, via une méthodologie simplifiée et majorante, comme « points noirs bruit ferroviaire2 » potentiels, et ainsi minimiser l’impact de la circulation de nos trains sur la vie des riverains. 

Doubler la part modale du ferroviaire

Ce traitement du bruit est une condition sine qua non pour la réussite et l’acceptabilité de l’objectif que s’est donné notre Groupe : doubler la part modale du transport de voyageurs et de marchandises d’ici à 2030.

Tour d’horizon des actions déployées en compagnie de Jean-Philippe Regairaz, responsable du pôle Acoustique et vibrations au sein de la direction générale industrielle et ingénierie (DGII) chez SNCF Réseau.

  • 147 Mds €

    c’est le coût social annuel lié au bruit, en France

  • 120 M€

    pour la résorption des «points noir bruit ferroviaire» entre 2020 et 2025

  • 10 dB(A)

    correspond à une sensation de bruit divisée par deux pour l’oreille

Qu’entend-on par « bruit ferroviaire » ?

Jean-Philippe Regairaz : C’est le bruit généré par l'ensemble des activités ferroviaires, qui provient, en grande majorité, des circulations ferroviaires. Le bruit de ces dernières est principalement lié au contact entre la roue et le rail pour les vitesses de circulation classique, c’est-à-dire entre 50 et 300 km/h. À très faible vitesse, entre 0 et 50 km/h, les bruits de motorisation et d'équipements sont prédominants. Enfin, à très haute vitesse, au-delà de 300 km/h, le bruit aérodynamique devient audible et s'ajoute au bruit de roulement.

En savoir plus sur le bruit ferroviaire

Limiter les bruits de roulement est donc une priorité

J.P. R. : Plus la roue et le rail sont lisses, moins un train fait de bruit. Et le mode de freinage de la roue a ici une importance capitale. Historiquement, sur la majorité du matériel voyageurs, le remplacement des semelles de frein en fonte par du composite a amélioré considérablement le contact roue rail, et ainsi permis d'abaisser le bruit ferroviaire de 7 à 8 décibels, sur l’ensemble du parcours du train, et non dans les seules zones de freinage. Un gain loin d’être anodin puisque la sensation d'un bruit divisé par deux pour l’oreille correspond à une baisse de 10 décibels. Cela a, en partie, contribué à résorber de nombreux « points noirs bruit ferroviaire ». Une amélioration similaire est en cours sur le matériel fret.

Mur anti-bruit le long des voies

À quoi correspond un « point noir bruit ferroviaire » ?

J.P. R. : Cela fait un peu plus de vingt ans que la réglementation définit ce qu’est un point noir bruit. Il s’agit d’un bâtiment sensible, à savoir une habitation, un bâtiment de soin, de santé, d'action sociale ou un établissement d'enseignement, exposé à un niveau de bruit « moyen » de plus de 73 décibels entre 6h et 22h et/ou de plus de 68 décibels entre 22h et 6h. Le bâtiment doit par ailleurs dater d'avant octobre 1978 - la première date à laquelle la réglementation a indiqué que les bâtiments se construisant près d’une infrastructure bruyante devait s’en protéger - ou être antérieur à la date du premier arrêté de classement sonore de la voie à côté de laquelle il est situé. Les voies sont classées à partir de 50 circulations de trains par jour.

Où se situe la majorité de ces points noirs ?

J.P. R. : Les principaux points noirs se situent le long des voies les plus circulées et/ou avec un fort trafic fret. Ceux déjà traités sont situés principalement dans la région Île-de-France, qui concentre 80% du trafic ferroviaire, et la région Auvergne-Rhône-Alpes, où les circulations sont également particulièrement denses, notamment sur les axes de fret. Des points noirs ont aussi été résorbés en région Bourgogne-Franche-Comté. Nous sommes à présent dans une stratégie plus globale. Des études ont ainsi été lancées sur l'ensemble des autres régions françaises pour identifier puis traiter ces points noirs, dans le cadre d’un programme pluriannuel d’investissement doté d'un fonds de 120 millions d’euros issus du Plan de relance.

Comment ce critère « bruit » est-il pris en compte ?

J.P. R. : Si le choix des trains qui circulent sur nos voies incombe aux Autorités organisatrices des Mobilités, SNCF Réseau a, en revanche, une obligation de résultat sur les niveaux sonores en façade des riverains, durant toute la durée de vie de ses infrastructures. Voilà pourquoi le critère bruit est pris en compte à toutes les étapes d'un projet. Dès le tracé de la voie, nous tentons, dans la mesure du possible, de s'éloigner au maximum des habitations tout en tenant compte des autres contraintes liées au ferroviaire telles que les pentes, les courbes, etc. Nous avons également recours à l'enfouissement ou l'enterrement de la ligne lorsque c’est possible.

La conception de la voie est également primordiale ?

J.P. R. : La nature des rails est, à ce titre, très importante dans nos travaux de développement et pour la modernisation de 1000 km de voies que nous réalisons chaque année. Les longs rails soudés ont, par exemple, remplacé la très grande majorité des rails courts historiques et leurs joints tous les 18 mètres qui produisaient le fameux « catac, catac » que nous avons tous entendu (gain : -3 dB(A), ndr). Le passage de traverses en bois à des traverses en béton a également généré des gains, en termes d'émission de bruit de la voie (-3 dB(A) également, ndr). Enfin, lorsque c’est nécessaire, des protections (écrans acoustiques ou merlons, c'est-à-dire des buttes de terre, ndr) sont mises en place au plus près des voies, mais à condition d'avoir du foncier disponible pour le faire.

Quand choisissez-vous de recourir à ces écrans ?

J.P. R. : La réglementation demande de privilégier la protection à la source dans la limite de l' « économiquement acceptable ». Un calcul intervient alors : le coût de la réalisation ramené au nombre de logements protégés. Pour protéger à la source une maison isolée, il faudrait construire un écran de l'ordre de 150 à 200 m de long, dont le coût serait plus élevé que celui de la maison à protéger. Les écrans sont réalisés dans les zones urbaines dans un cadre plus dense où l'implantation devient économiquement acceptable. Avec ces protections, on peut atteindre des gains d'une dizaine de décibels, soit une sensation de deux fois moins de bruit.

Comment sont-ils fabriqués ?

J.P. R. : Principalement en béton-bois ou en béton bas carbone pour les nouvelles générations d'écrans. Nous pouvons aussi recourir à des panneaux métalliques dans lesquels est intégrée de la laine minérale avec éventuellement des parties translucides. Le choix se fait pour garantir la durabilité de ces écrans, considérés comme des ouvrages d'art. L’objectif est que ces écrans puissent durer entre 30 et 50 ans sans qu’on ait à intervenir dessus.

Vous intervenez également directement sur le bâti ?

J.P. R. : Tout à fait, par l’isolation acoustique des façades. Cela peut se faire en complément des écrans acoustiques, qui ne peuvent, par exemple, pas protéger les étages hauts d’un immeuble. Mais nous faisons également le choix de l’intervention directe sur le bâti lorsqu’un écran n’est pas viable économiquement, ou qu’il y a un problème d’intégration dans l’environnement. On remplace alors les menuiseries du bâtiment en mettant des fenêtres double vitrage acoustique et thermique performantes. Un traitement des entrées d’air et des caissons de volets roulants peut également être nécessaire. Ces travaux concernent aussi bien les projets de création de nouvelles voies que de modification significative de voies existantes ou de résorption des points noirs bruit.

Mur anti-bruit le long des voies

Constatez-vous une baisse du bruit significative ?

J.P. R. : D’après les stations de mesure implantées le long des voies, dans de nombreux secteurs, le niveau sonore diminue, et ce malgré l’augmentation constante du trafic ferroviaire. Mais l’oreille n’a pas de mémoire auditive. Aussi, elle n’est pas capable de se remémorer le niveau sonore précédent et « oublie » les progrès accomplis. Là où on mesure des gains effectifs, les riverains ne les perçoivent malheureusement pas toujours. Ainsi, la forte baisse des émissions sonore du matériel fret en cours, liée à l’application des dernières spécifications techniques d'interopérabilité, est peu perçue car, si l’écart entre un wagon « bruyant » et un wagon « silencieux » est très net (-8 dB(A) soit pratiquement deux fois moins de bruit, ndr), le remplacement se fait wagon par wagon. Le bruit « moyen » des circulations baisse donc très progressivement sans que les riverains n'identifient cette baisse des niveaux sonores pourtant objectivée par les mesures de bruit.

Dès lors, comment donner une sensation de « moins bruyant » ?

J.P. R. : On sait mesurer les décibels. Mais cela reste une mesure physique objective et non une mesure « de gêne», par nature subjective. Nous menons actuellement avec nos partenaires des travaux exploratoires pour mieux comprendre ce qui dérange le plus. Est-ce le nombre de trains qui passent, la valeur de chacun des pics de bruit, des fréquences particulières, la soudaineté de l'apparition du bruit ? Nous manquons encore de données épidémiologiques sur le sujet et essayons de mieux comprendre les facteurs acoustiques impliqués dans la gêne instantanée exprimée par les riverains vis-à-vis du bruit généré par le trafic ferroviaire. SNCF Réseau s’est ainsi engagée avec Bruitparif et l’Université Gustave Eiffel sur le projet ANSES « GENIFER » (Améliorer la connaissance sur les facteurs acoustiques de la « GENe » Instantanée due au bruit « FERroviaire », ndr).