Comment l’IA générative irrigue l’ensemble de notre Groupe
Développement d’outils « maison », domaines d’applications, enjeux éthiques, de souveraineté des données et impact environnemental… Focus sur notre stratégie de déploiement de l’intelligence artificielle générative.
La deuxième révolution numérique
La digitalisation était la première révolution numérique du Groupe. L'application SNCF Connect, « dans la poche » de 20 millions de Français, en est l'un des symboles. L'émergence des outils d'IA générative est la seconde, tant pour les fonctions support (ressources humaines et juridique), que la relation clients ou la production ferroviaire. Voilà pourquoi nous travaillons avec les grands acteurs du milieu, développons des partenariats académiques et disposons d'un comité dédié au pilotage du déploiement de l'intelligence artificielle (IA) générative, où sont représentées les sociétés anonymes et la direction de l'éthique du Groupe.
Directeur numérique, IA groupe et e.SNCF Solutions, Julien Nicolas évoque le développement de ces outils et notre stratégie axée autour de l'acculturation des collaborateurs et les cas d'usage métiers, leur utilité ainsi que les enjeux environnementaux, de souveraineté et de sécurité qu'ils soulèvent.
Groupe SNCF : Depuis combien de temps l'entreprise a-t-elle recours à des solutions d'intelligence artificielle ?
Julien Nicolas : Dans les domaines industriels, tels que la maintenance, mais également dans les domaines marketing et commerciaux, cela fait longtemps que le Groupe s'est emparé de cette technologie. Avec l'avènement de l'IA générative et l'apparition de ChatGPT, fin 2022, un nouveau virage s'est amorcé par des tests et expérimentations.
Groupe SNCF GPT a été conçu avec une éthique rigoureuse (...) Les données sont stockées dans nos propres cloud (et) n’alimentent pas les modèles d’IA générative.
Groupe SNCF : De quelle manière cette IA générative imprègne-t-elle les différentes sociétés du Groupe ?
J.N. : Nous suivons deux axes. Le premier, que l'on pourrait qualifier « d'IA générative pour tous » vise à acculturer - par des rencontres, conférences ou démonstrations -, et former - grâce à des ateliers dédiés aux prompts et des modules de e-learning -, nos collaborateurs et agents à ces nouveaux outils. 20 000 salariés du Groupe ont déjà pu suivre l'une de ces formations. Le second axe consiste en la création, depuis janvier 2024, de notre propre outil d'IA générative. Baptisé Groupe SNCF GPT, il permet aux collaborateurs de bénéficier d'un espace sécurisé et d'y charger leurs documents et données.
Groupe SNCF : Comment cet outil interne a-t-il été développé ?
J.N. : Les équipes e.SNCF Solutions ont développé un outil d’intelligence artificielle générative « maison ». Cet outil innovant est conçu pour assister les salariés dans leurs tâches quotidiennes, en offrant des réponses rapides et précises à leurs questions à la manière de « ChatGPT », tout en garantissant la confidentialité de nos données d’entreprise. L’outil sera progressivement proposé aux salariés dont les missions nécessitent l’utilisation de l’IA avec une stratégie de déploiement propre à chaque société anonyme (SA, ndr). Les modèles d'IA, communément appelés LLM, que nous utilisons pour développer Groupe SNCF GPT sont ceux proposés par les acteurs du marché : OpenIA, Anthropic et Mistral qui est le modèle français. Nous combinons ces différents LLM en fonction du besoin, du modèle économique et de leur consommation énergétique.
Groupe SNCF : Avec cet outil interne, la souveraineté des données apparaît donc comme un enjeu primordial pour le Groupe ?
J.N. : En effet, Groupe SNCF GPT a été conçu suivant une éthique rigoureuse pour protéger les données personnelles des collaborateurs et celles de l'entreprise. Les données sont stockées dans nos propres cloud, n’alimentent pas les modèles d’IA générative et sont cloisonnées par utilisatrice ou utilisateur et par SA.
Recourir à l'IA générative n'est pas une coquetterie pour notre Groupe. Si nous le faisons, c'est dans l'optique d'accéder aux meilleurs outils dans le domaine pour améliorer nos performances et la production ferroviaire.
Groupe SNCF : Outre cet outil d'IA générative « pour tous », dans quels domaines le Groupe travaille-t-il en la matière ?
J.N. : Un des premiers cas d’usage de l'IA générative, c'est l'IT. Beaucoup d'outils de génération de code existent pour les développeurs. Qu'il s'agisse de nos applications grand public, type SNCF Connect, ou internes pour la production ferroviaire, nous avons débuté des expérimentations dans le cadre de notre projet « développeurs augmentés » qui vise à aider ces métiers. Les ressources humaines sont également concernées par l'IA générative. Nous avons ainsi développé un agent conversationnel à destination de nos agents RH, alimenté par toute notre documentation en la matière, afin qu'ils répondent au mieux aux questions posées par nos collaborateurs.
Groupe SNCF : Comment décidez-vous des domaines où déployer, ou non, des solutions d'IA génératives ?
J.N. : Les décisions sont prises avec le comité de pilotage IA générative. Nous avons sélectionné dix cas d'usage, notamment en termes de relation clients, de recherche documentaire, de maintenance ou d'information voyageurs, sur lesquels l'IA générative peut apporter de réelles transformations. Des équipes projets, composées d'un binôme métier / SI, développent actuellement ces cas d'usage.
Quelques exemples de cas d’usage
- Recherche documentaire augmentée, et génération automatique de contenu.
- Développeurs augmentés et refactoring de codes.
- Modernisation de la relation client.
- Borne interactive Information Voyageurs.
- Prédiction de retard.
Groupe SNCF : À quoi pensez-vous lorsque vous parlez de « réelles transformations » ?
J.N. : La maintenance prédictive est une bonne illustration. Cela fait maintenant plusieurs années que nous équipons nos matériels de capteurs IoT. Les datas extraites de ces capteurs nous aident à prédire un incident ou une panne. L'arrivée de l'IA générative a permis un vrai saut technologique en la matière.
En exploitant ces données avec les nouveaux modèles d'IA générative, nous boostons la puissance de calcul. Nos agents en technicentre analysent les informations avec plus de précision, rapprochant ainsi notre objectif : zéro panne sur nos matériels.
Groupe SNCF : Et du côté de l’information voyageurs ?
J.N. : Cela permet dorénavant d’optimiser la gestion des flux en temps réel, sur les écrans d'affichage en gare pour les RER et Transilien. Nous pouvons aussi mentionner la borne interactive de SNCF Gares & Connexions, déployée en gare de Paris-Nord grâce au modèle d'IA de Meta, mise en service à l'occasion des Jeux de Paris 2024. Un avatar à taille humaine apparaît et répond aux questions des voyageurs sur les horaires, les itinéraires, les prochains départs, les services en gare. La conversation peut se poursuivre ensuite, via un agent conversationnel, sur WhatsApp.
Groupe SNCF : En quoi ce dynamisme dans le secteur de l'IA générative est-il un facteur d'attractivité pour le Groupe ?
J.N. : Recourir à l'IA générative n'est pas une coquetterie pour notre Groupe. Si nous le faisons, c'est dans l'optique d'accéder aux meilleurs outils dans le domaine pour améliorer nos performances et la production ferroviaire. Cette qualité de service est un gage de confiance pour nos clients, les Autorités Organisatrices de mobilité. L'IA générative est par ailleurs synonyme de productivité accrue pour nos agents en vue de produire un service au meilleur coût. La chaire co-développée avec l'École Polytechnique sur l'IA et les mobilités durables est l'un des symboles de notre dynamisme.
Groupe SNCF : L'IA générative est aussi une source importante de consommation d'énergie... Comment le Groupe se positionne-t-il du point de vue environnemental ?
J.N. : Dans un premier temps et pour être pragmatique, si l'IA générative nous permet d'augmenter le nombre de trains en circulation et d'améliorer la qualité du service délivré à un moindre coût, cela favorise le report modal vers le train et limitera donc les émissions de gaz à effet de serre liées au transport. En ce qui concerne la consommation de ces technologies, nous savons évidemment que cela n'est pas neutre. Voilà pourquoi nous choisissons certains modèles d'IA, les LLM, plutôt que d'autres plus énergivores, en fonction de nos besoins. Enfin, à chacune de ses utilisations par nos collaborateurs, l'outil Groupe SNCF GPT donne une indication des émissions de CO2 générées par chacun de leur prompt. Cela contribue, en interne, à la prise de conscience autour d'une utilisation nécessairement raisonnée de ces outils.
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