Benoît Leguet : « Il faut avant tout penser robustesse et résilience »
Comment préparer la France à +4 °C en 2100 ? Rencontre avec le directeur général de l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE), un institut de recherche à but non lucratif qui contribue par ses analyses au débat sur les politiques publiques d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.
Groupe SNCF : Comment concilier engagement de l’entreprise et performance ?
Benoît Leguet : Nous entrons dans un monde de plus en plus incertain, caractérisé par une très grande variabilité, géopolitique, économique, climatique... Penser la performance comme une suroptimisation de l’activité n’est plus la stratégie souhaitable. Il faut aujourd’hui avant tout penser robustesse et résilience. Quels choix devons-nous faire pour permettre à l’entreprise de résister, de rester performante, dans le plus grand nombre de scénarios possibles, y compris adverses ? Quelles seront demain les priorités des usagers lorsqu’ils seront confrontés au changement climatique ? Comment la SNCF pourra-t-elle continuer à répondre à leurs attentes et à leur apporter les bons services ? C’est cela qui doit structurer ses opérations et ses choix d’investissements dans les cinq, dix, vingt ans à venir.
Groupe SNCF : Quel pouvoir de « contagion » peut avoir la SNCF ?
B.L. : On est rarement robuste et résilient tout seul. L’enjeu est de réussir à travailler avec les écosystèmes territoriaux. L’adaptation du réseau ferroviaire dépendra aussi de l’adaptation des territoires dans lesquels il s’inscrit. Les perturbations du cycle de l’eau sont le problème majeur pour l’infrastructure : la meilleure garantie contre les risques d’inondations est d’avoir à proximité des voies des champs qui absorbent le trop-plein d’eau. Pour que les agents ou les usagers puissent rejoindre leur poste de travail, il faut que les réseaux de communication soient préservés et continuent à leur offrir de la sécurité… Adaptation rime avec coordination.
L’adaptation du réseau ferroviaire dépendra aussi de l’adaptation des territoires dans lesquels il s’inscrit.
Directeur général de l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE)
Groupe SNCF : Comment décentrer le débat et être davantage à l’écoute des territoires ?
B.L. : L’avenir nous impose de mener dès aujourd’hui tous les projets en pensant à chaque étape à ce qui pourrait advenir en fonction de tel ou tel événement, de telle ou telle variable climatique, sans quoi beaucoup d’argent pourrait être dépensé pour rien. Il ne faut pas attendre qu’une crise se révèle pour commencer à y réfléchir. La gestion de crise ne s’improvise pas : il faut apprendre au préalable à travailler ensemble, en prévision de ces temps de crise, et se mettre en capacité d’anticiper. Il faut également favoriser les interactions quotidiennes, et être en permanence à l’écoute du contexte local sans attendre que ne se déclenchent des événements particuliers. Les relations devront être extrêmement soutenues avec les institutionnels, les fournisseurs, les usagers, etc., afin de créer des habitudes communes et à long terme entre les différents maillons du système de transport dans les territoires.
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