C’est quoi innover à la SNCF ?
Carole Desnost, directrice Technologies, Innovations et Projets Groupe SNCF, vous présente sa vision du train du futur et de l’innovation multi-facettes1.
À quoi ressemblera le train du futur ?
Alors d’abord le train du futur sera forcément à mettre au pluriel : car les besoins divergent profondément selon les territoires, et c’est une demande profonde des Français. Pour jouer le jeu de votre question, le train du futur sera décarboné, autonome et connecté.
Quels sont vos champs de recherche ?
Pour l’inventer, nous avons dans nos équipes aussi bien des experts en sciences cognitives, que des physiciens, des énergéticiens, des spécialistes de la localisation ou de l’IA. Concrètement, nous travaillons aussi bien sur l’acoustique en gare, le confort des sièges et « l’habitabilité » des rames, que sur les problématiques de fluidité, de sécurité, de ponctualité, de flexibilité. Et ce afin d’améliorer la compétitivité, sur le plan économique et écologique, du train vis-à-vis des autres modes de transport.
Quels sont les enjeux écologiques ?
Nous avons de belles marches à franchir, c’est le grand sujet des années à venir. Prenons un exemple : si beaucoup de nos trains sont déjà électriques, comme tous les TGV, c’est un vrai challenge en termes d’innovation industrielle pour parvenir à la neutralité carbone en 2050 comme nous nous y sommes engagés. Il faut mixer toutes les solutions technologiques. Trains bimodes, trains hybrides, trains à batterie, biocarburant, hydrogène : alors nous avançons sur tous les fronts.
Comment penser le train autonome ?
Comme nous fonctionnons en système ouvert et sur de longues distances, nous sommes plus proches de la voiture autonome en termes de complexité. Mais nous pouvons aussi mettre une grosse part d’intelligence dans l’infrastructure et nous travaillons à plusieurs échelles et à plusieurs horizons de temps, avec pour finalité : une infrastructure plus intelligente et un train plus autonome, pour une plus grande performance économique et environnementale de tout le système. Et pas seulement pour le fret ou les grandes lignes : nos projets concernent les nouvelles mobilités aussi.
Que pensez-vous de l’Hyperloop ?
Cela fait cinq ans que nous collaborons avec la start-up Virgin Hyperloop. En termes d’innovation, c’est passionnant. Par rapport à nous, on pourrait dire qu’ils sont partis d’une page blanche, ou quasi. Ce n’est pas du train, pas de l’aérien, les technos sont en développement et les usages à inventer : suivre tout cela et collaborer nous permet de nous questionner autrement, c’est clé dans nos métiers. Et quand ce rêve sera réalité, SNCF en tant qu’opérateur aura son mot à dire et son expertise à apporter.
Les innovations dans un futur proche ?
Le TGV M circulera à partir de 2025 sur la ligne Paris-Lyon-Marseille. Il incorpore des innovations à des échelles différentes. Mais il y a une autre révolution que nous pilotons avec nos partenaires : les trains hybrides, les trains à batteries, à biocarburants, et les trains à hydrogène. Tous sont « sur les rails ». Pour le TER H2, on vise 2025, et toute une filière doit se structurer. Un train a une durée de vie de 40 ans : nous sommes dans une industrie misant sur la durabilité et la transformation en continu, on est loin du scandale de l’obsolescence programmée !
Quelle est votre vision de l’innovation ?
Au XXIe siècle, l’innovation doit être pensée en mode ouvert. Nous devons anticiper les évolutions de société mais aussi les avancées technologiques : notre filière étant trop étroite en termes d’échelle industrielle pour s’autosuffire, nous progressons avec l’automobile, le spatial et l’international… Et l’innovation frugale nous a guidés pour les nouveaux modes d’électrification des lignes, réduisant à certains endroits les coûts par deux. Globalement, le sujet de la mobilité est très riche en matière d’innovation et les attentes ferroviaires en région sont porteuses.
Et les « petites lignes » ?
Nous travaillons sur des formats modulaires, plus légers, des concepts de micro-gares et de modules connectés pour les zones rurales et périurbaines. L’enjeu c’est de proposer partout des alternatives collectives à la voiture individuelle avec le ferroviaire comme colonne vertébrale. Nous tenons à une vision de l’innovation qui est multi-facettes et qui nous projette dans notre siècle.