
Comment nous innovons avec les nouveaux matériaux
À la SNCF, l’innovation passe aussi par l’emploi de nouveaux matériaux dans les trains et sur nos infrastructures ferroviaires. Rencontre avec ceux qui explorent ce domaine en perpétuelle évolution.
Un nez de TGV en composite, des carénages1 de TER en fibres végétales, des pièces métalliques en fabrication additive, ou encore des peintures et des revêtements qui repoussent les virus et les bactéries… Chaque jour, le groupe Systèmes Mécaniques et Interactions (SMI) en collaboration avec les différents métiers de la SNCF et ses partenaires académiques explorent des «nouveaux matériaux» pour allier performances d’exploitation et satisfaction voyageurs.
Rencontre avec Sébastien Arrighi, responsable du groupe SMI, Benoît Dodin et Tanguy Choupin, chefs de projet Matériaux innovants à la direction de la Recherche.
Un domaine en perpétuelle évolution
Leur leitmotiv ? Porter la recherche et l’innovation jusque dans vos trains et les infrastructures ferroviaires. « Les domaines des matériaux et des procédés innovants évoluent de manière quotidienne », explique Sébastien Arrighi. Et quand on sait que la durée de vie d’un train est d’environ 40 ans, mieux vaut sélectionner les bons matériaux. Mais comment les choisir ? « Nous sommes connectés aux différents métiers de la SNCF, ils viennent solliciter notre expertise scientifique et technique pour répondre à leurs problématiques. Par notre veille, on fait aussi un boulot de recherche de matériaux en les confrontant au modèle ferroviaire et proposons des expérimentations adaptées aux différents métiers du Groupe », détaille Benoît Dodin.
Naissent alors des programmes qui peuvent s’étaler de 6 mois à 5 ans en fonction du niveau de recherche. Matériaux biosourcés, composites, revêtements antimicrobiens ou encore fabrication additive… Découvrez comment nous déployons ces nouveaux matériaux et procédés de fabrication dans le ferroviaire.
95%
des TGV équipés d’un carénage composite d’ici 2028
43%
de poids gagné avec une traverse composite par rapport au métal
20%
de gain environnemental attendus avec les plastiques renforcés en fibre végétale
Matériaux composites : un plus de performance
Plus légers et résistants que le métal, l’utilisation des matériaux composites est donc devenue incontournable dans le domaine ferroviaire. « Si les premiers usages de ces matériaux pour les pièces d’habillage des trains remontent aux années 1960, l’utilisation des matériaux composites pour les pièces dites structurelles du train, son squelette, est une grande nouveauté », précise Tanguy Choupin.
Traverse composite
Une traverse2 en composite est testée, depuis février 2021, sur un train TER 2N NG en circulation commerciale. Cette pièce fait la liaison entre la caisse du train (là où sont les voyageurs) et le bogie (où sont les roues du train). Outre le gain de poids de 43% par rapport à une traverse métallique, le recours aux matériaux composites permet également d’améliorer la résistance et la durée de vie des pièces. Une première sur le réseau ferré national, en service commercial, réalisée en collaboration avec Alstom et l’équipementier CNIM.
Alléger nos trains, avec la traverse composite
Un carénage composite pour les TGV
Un nouveau carénage en composite est également testé, depuis avril 2021, sur les TGV INOUI et OUIGO à deux niveaux dans le cadre du projet Carénage optimisé pour les chocs et l’aérodynamisme (Coca). Le changement de la forme de la pièce permet des gains aérodynamiques et d’énergie en évitant l’émission de 537 tonnes de CO2 par an. Un enjeu primordial pour le Groupe, engagé dans la transition écologique des transports. L’utilisation de nouveaux matériaux composites pour le nez du TGV permet également une meilleure résistance du carénage aux chocs légers et donc moins de pièces jetées. D’ici 2028, 95% des TGV à deux niveaux devraient être équipés de ce nouveau nez.
Matériaux biosourcés : fibres végétales vs fibres de verre
Pour faire rimer écologie, économie et performances et soutenir les filières de nos territoires, le SMI a choisi de se tourner vers les matériaux biosourcés et plus particulièrement vers la filière des fibres naturelles de lin et de chanvre. « C'est une filière historique utilisée, par exemple, dans l’automobile pour les pièces thermo compressées mais nous n’avions encore jamais eu recours aux fibres naturelles de lin et chanvre dans le ferroviaire », explique Benoît Dodin.
Des gains environnementaux attendus
L’idée : utiliser des pièces plastiques renforcées de fibres végétales en tant que renfort de carénage pour remplacer les pièces actuelles faites avec des renforts en fibre de verre. « Ces matériaux innovants sont soumis au même cahier des charges de sécurité que les renforts en fibre de verre », assure le chef de projet.
Un prototype a ainsi été installé, durant l’année 2022, sur un TER Hauts-de-France. Ce test de 18 mois fait office de première en Europe, avec pour objectif d’homologuer ces pièces, leurs performances techniques et générer potentiellement 20% de gain environnemental par rapport aux plastiques renforcées en fibres de verre.
Matériaux antimicrobiens : des environnements plus sains
Nous n’avons pas attendu la pandémie de Covid-19 pour nettoyer et désinfecter les trains et les gares, mais le contexte sanitaire a accéléré les recherches du Groupe SMI sur les matériaux dits antimicrobiens, comme le précise Benoît Dodin. « Avec l’ingénierie du Matériel, nous nous sommes demandés s’il existait des matériaux ou des revêtements, peintures comme adhésifs, qui diminuent la charge microbienne, virus ou bactéries, c’est-à-dire leur concentration sur les surfaces que l’on touche fréquemment dans un train ou en gare. »
Agir sur les surfaces pour limiter les interventions
Poignées de porte, barres de maintien dans les RER ou écrans des automates en gare… Ces matériaux sont intéressants car ils agissent en permanence dès le dépôt des microbes sur les surfaces et éviteraient de multiplier les interventions de nos équipes de nettoyage et de désinfection.
« Des tests sur trains sont actuellement envisagés avec certaines activités Voyageurs, », précise Benoît Dodin. Je travaille actuellement avec des laboratoires qui développent ces solutions afin de déployer à l’avenir des surfaces traitées avec des matériaux sains, durables et ainsi limiter le recours à la désinfection chimique des trains et des gares. »
La fabrication additive
L’innovation ne réside pas que dans l’utilisation de nouveaux matériaux. Elle se déploie aussi dans les processus de production des pièces. Le recours à la fabrication additive, plus communément appelée « impression 3D », en témoigne. Prototypage rapide, outillage adapté à la situation de maintenance, et maintenant des pièces de rechange de train… La fabrication additive, permet de raccourcir les délais d’approvisionnement et de mieux gérer les stocks.
Innover, en toute sécurité, contre l’obsolescence
Comme dans les procédés de fabrication classiques, la sécurité demeure la priorité absolue. « Que ce soit pour les pièces en plastique polymère pour la sécurité incendie, ou les pièces de structure métallique pour la tenue en fatigue, nos exigences en matière de sécurité sont drastiques», fait savoir Benoît Dodin. Cette méthode innovante est aussi une réponse contre l’obsolescence, notamment par le remplacement de certaines pièces créées il y a plus d’un demi-siècle sans recourir à un fournisseur.
C’est le cas des microcontacts issus des « vieux » compteurs-enregistreur de vitesse. « Là, on est sur de l'horlogerie, pas de l’électronique ! », s’exclame Benoît Dodin. Et le chef de projet de poursuivre : « Pour remplacer le composant et maintenir en condition opérationnelle ce système obsolète, nous créons des modèles 3D et refabriquons les pièces manquantes au Technicentre Industriel SNCF de Saintes ».