
L’attelage automatique digital de fret ou DAC
Parmi les nombreuses innovations en cours de développement pour harmoniser le système ferroviaire européen, figure l’attelage automatique digital de fret. Conjugué à d’autres technologies en développement, telles l’ERTMS1, ce système promet de révolutionner le fret ferroviaire. Explication.
Un système à vis
C’est une spécificité européenne : alors que de nombreux pays comme les Etats-Unis, la Russie, ou la Chine ont adopté un système d’attelage automatique mécanique pour relier les wagons ou les voitures, le fret ferroviaire européen repose actuellement sur un système à vis universel. Or, ce dernier rend les opérations de couplage et de découplage, plus nombreuses, longues et pénibles pour les agents.
Simplifier l’essai de frein
L’opérateur doit en effet marcher pour atteler les wagons, les dételer et vérifier que tout est en ordre ; et l’essai de frein est réalisé en purgeant la conduite générale d’air et en tapant dans chaque semelle de frein avec le pied. L’intérêt de l’automatisation du système d’attelage est donc de réduire et de simplifier le nombre de manœuvres, contrôlées désormais dans la cabine de conduite.
La clef de voûte de la modernisation
Mais l’attelage automatique digital de fret, également appelé DAC, pour Digital Automatic Coupler, ne fait pas qu’augmenter l’efficacité des agents et améliorer leur sécurité. C’est une des nombreuses innovations développées par les groupes de travail européens afin d’harmoniser le système ferroviaire européen.
Doubler le trafic d’ici 2030
Le DAC s’inscrit dans le cadre du Green Deal2 et vise la circulation de trains de fret plus longs et plus lourds grâce aux informations essentielles relatives à l’intégrité du train fournies. Son déploiement et son financement à l’échelle européenne passent donc par des investissements majeurs pour renforcer le modèle économique du fret ferroviaire face à la route.
Questions à Aurélie Bigey et Antoine Rothey
Qu’est-ce-qui distingue le DAC ?
À l’intérieur du DAC, il y a une partie mécanique, une partie pneumatique, une partie électrique et une partie communication des données. La connexion pneumatique assure la continuité du freinage dans tous les wagons. En même temps, se fait la connexion des systèmes électriques et de données. Lors de la déconnexion, les clapets se ferment pour protéger les éléments de la saleté et de la poussière.
En quoi est-il digital ?
Avec le DAC, il y a une connexion numérique dans le train de fret, ce qui permet de nombreuses fonctionnalités : la surveillance des éléments de chaque wagon (frein, roue, continuité de l’air, position du chargement,…), l’intégrité du train, très utile pour les futurs systèmes de signalisation, la transmission d’alertes au conducteur, etc. En bref, cela permet plus de contrôle via les données recueillies par les capteurs sur le wagon. Cela sert pour la maintenance du train, mais aussi pour la conduite en temps réel.
Tous les wagons vont-ils être équipés ?
Oui, grâce aux « DACcinations centers ». Pour cela, on doit être capables de partager la donnée au sein du secteur. Aujourd’hui, chaque détenteur de wagons sait où se trouvent les wagons qu’il possède, mais il reste à savoir comment partager cette donnée de localisation entre le propriétaire, l’opérateur ferroviaire, etc. C’est l’objet de notre projet Digital Platform, un gros investissement. Le plus important, lors de l’équipement, c’est de ne pas pénaliser les clients qui ont besoin des wagons.
Comment allez-vous procéder ?
La migration du DAC est prévue en deux temps : un premier pré-équipement mécanique en atelier du « draft gear » situé sous le wagon et qui permet de conserver l’utilisation de l’attelage à vis, et un « Big Bang » sur site de deux semaines pour remplacer tous les attelages à vis par des têtes de DAC sur tous les wagons préalablement équipés en atelier. C’est très ambitieux, donc toutes les parties prenantes doivent être impliquées.
Toute l’Europe doit se mettre d’accord
Les pays membres n’exploitent pas tous les wagons de la même manière, et les constructeurs, les loueurs, les exploitants, comme la SNCF, et les gestionnaires d’infrastructures n’ont pas les mêmes exigences ou besoins. C’est pourquoi des groupes européens rassemblant les acteurs du ferroviaire travaillent dans le but de trouver des compromis satisfaisants pour toutes les parties prenantes et élaborer les spécifications techniques du DAC.
Objectif 2025
L’objectif du programme européen, c’est un attelage de type 53 opérationnel, testé, validé, et autorisé d'ici la fin 2025. Des standards permettant au DAC d’être utilisé sur tous les trains européens vont être élaborés. Une partie est dictée par des normes industrielles, et une autre est définie dans le cadre des travaux sur les spécifications techniques d’interopérabilité.
Europe’s Rail
Pour soutenir la recherche et l’innovation, l’Union européenne met en place des partenariats avec les industriels européens en suivant le principe suivant : la Commission européenne met un euro, et les industriels mettent un euro. Ces partenariats sont prévus pour 6 à 7 ans, car adaptés au temps de financement des budgets européens. Europe’s Rail représente un total d’environ 1,2 milliards d’euros d’investissements.
Révolutionner le fret
Pour moderniser le fret, toutes les autres technologies doivent être développées en même temps. Ce sont en effet plusieurs innovations conjuguées qui vont révolutionner ce secteur.