Laura Chaubard : « Créer des IA utiles au ferroviaire »
Le groupe SNCF et l’École polytechnique ont initié, en 2024, une chaire d’enseignement et de recherche sur l’intelligence artificielle qui mobilise les élèves ingénieurs de l’X autour des enjeux de mobilité durable. Rencontre avec la directrice de Polytechnique.
Groupe SNCF : Quelle place accordée à la mobilité durable dans les travaux des élèves de Polytechnique ?
Laura Chaubard : Nous vivons une époque de fort bouillonnement scientifique et technologique. Il y a évidemment l'intelligence artificielle, mais les progrès scientifiques se multiplient par rebond dans la santé, la physique, l’énergie… Beaucoup ont un potentiel de rupture aussi fort, voire plus rapide que l'IA. Je pense notamment aux technologies quantiques et à la fusion nucléaire. Dans les années qui viennent, le positionnement et la souveraineté de la France et de l’Europe se joueront sur la maîtrise de ces technologies. Nos élèves ingénieurs sont particulièrement préoccupés par les défis de la transition environnementale, et notre première mission est de leur apporter une vision systémique de cette transition.
Groupe SNCF : Comment apportez-vous cette « vision systémique » ?
L. C. : Quand nous parlons transports, nous parlons infrastructures, industrie, énergie, mais aussi enjeux politiques, géopolitiques et démographiques. Embrasser cette complexité peut être assez vertigineux, mais son appréhension fait partie des compétences que nos élèves doivent acquérir. Ils ont très envie de comprendre dans quel domaine ils peuvent vraiment agir et saisissent parfaitement à quel point le report modal vers le ferroviaire est fondamental pour la transition environnementale. Grâce à la création de notre chaire commune, les équipes travaillent étroitement pour inventer les intelligences artificielles de demain, qui seront adaptées aux applications industrielles et critiques dont le groupe SNCF a besoin pour gagner en performance et en productivité. Les technologies par apprentissage s’étendent sur un spectre beaucoup plus large que celles dont tout le monde parle, comme ChatGPT. Sur les technologies qui vont apporter le plus de valeur à l’économie, la course n’a pas encore vraiment commencé. Nous avons à la fois les talents et les partenaires pour la mener en tête, en France et en Europe.
L’intelligence artificielle amènera des ruptures technologiques pour optimiser les systèmes complexes inhérents au mode ferroviaire.
Directrice de l’École polytechnique
Groupe SNCF : Comment l’IA peut-elle servir le développement du train ?
L. C. : En nous appuyant sur l’expertise, les cas d’usage et les données de la SNCF, nous pourrons développer des technologies et des modèles d’IA beaucoup plus soutenables, aussi bien sur le plan écologique qu’économique, également beaucoup plus sécurisés. L’intelligence artificielle amènera des ruptures technologiques pour optimiser les systèmes complexes inhérents au mode ferroviaire. Il sera par exemple possible d’intensifier les trafics en créant des « bulles de sécurité » autour de chaque train en circulation grâce à des prédictions sûres. Les pannes pourront être anticipées pour garantir la disponibilité du matériel roulant et des installations. L’IA permettra également de mieux partager l’information pour prédire les retards et actionner les bons leviers pour en limiter les effets sur le trafic... Nos chercheurs sont très enthousiastes à l’idée de créer ces IA utiles au ferroviaire.
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