Comment « Gare! » défend les droits des personnes LGBT+
Née en marge du Pacs, en 2000, l’association des salariés LGBT+ de la SNCF œuvre en collaboration avec notre Groupe pour l’égalité des droits. Interview d’Ali Louni, son président.

Droits des personnes mariées de même sexe, droits des familles homoparentales, accompagnement des personnes en transition de genre… La SNCF s’engage résolument contre toute forme d’exclusion ou de discrimination à l’égard des personnes LGBT+. Outre les différents outils et actions mis en place, nous travaillons étroitement avec l'association Gare!, dans le cadre d’une convention de partenariat établie depuis 2013. Son président, Ali Louni, revient pour nous sur l’histoire de ce collectif, ses missions auprès des salariés, et ses actions dans les villes et les territoires.
Quand a été créée Gare! ?
Lors de l'entrée en vigueur du Pacs, en 2000, est apparu l'enjeu d'intégrer, au niveau RH, les droits des couples pacsés, LGBT+ ou non, notamment pour ce qui touche aux facilités internationales de circulation. En effet, les personnes mariées jouissaient de droits qui ne s'appliquaient pas aux personnes pacsées, de même sexe ou de sexe différent. Un collectif s'est donc formé pour revendiquer ces droits, et s'est ensuite constitué en association.
Quels ont été les temps forts de l’association ?
La loi promulguant le mariage pour tous, en 2013, a mobilisé l'association, en raison des enjeux concernant certains droits internes RH pour les personnes mariées de même sexe. Nous avons collaboré avec la SNCF, qui attendait notre expertise sur ces sujets. Mais 2013 est également l'année de la 1re convention signée ; nous œuvrions jusqu’alors en tant qu'association indépendante, et depuis, une convention de partenariat nous lie au groupe SNCF, assortie d'une dotation financière. Chaque convention est signée pour une durée de 3 ans, et la dernière a été signée en avril 2025.

Gare! compte plus de
400
adhérents

Ils sont
18
agents bénévoles à composer le conseil d’administration de Gare!

Toutes les sociétés du
Groupe
y sont représentées et Gare! travaille avec la DRH Groupe
Gare! a-t-elle des adhérents à l’extérieur ?
Oui, car, outre les questions internes à l'entreprise, nous étudions aussi les sujets liés aux relations avec les clients : l'expérience en gare, le contrôle des voyageurs, etc. D'où la nécessité d'avoir les points de vue de personnes extérieures à la SNCF. Et puis, nous comptons des adhérents de Keolis France, filiale du groupe SNCF, avec lesquels nous mettons aussi en place des actions. L'implantation de Keolis dans le milieu rural français nous permet de réfléchir aux enjeux liés aux discriminations des personnes LGBT+ dans ces milieux, ainsi que dans les transports.
Quelle différence avec un réseau d'entreprise ?
Un réseau d’entreprise a moins de liberté d'action si une défaillance au sein de l'entreprise était constatée. Notre statut d'association nous permet de prendre position, en particulier si nous considérons que la SNCF doit aller plus loin dans la lutte contre les discriminations, ou en matière de droits internes à l'entreprise. Un réseau d'entreprise est tenu à une certaine réserve, alors que nous pouvons fournir un accompagnement, y compris juridique, à un salarié en difficulté.
Quelles sont vos missions auprès des salariés ?
Nous intervenons au niveau RH pour garantir l'égalité des droits pour toutes les personnes, quelles que soient leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Nous sommes par exemple à l'initiative de l'extension du droit d'accueil de l'enfant avons lancé un gros chantier avec la DRH Groupe sur les droits d'accueil de l'enfant dans le cadre de familles homoparentales, mise en place en octobre 2024.
Fournissez-vous un accompagnement individuel ?
Nous épaulons les salariés qui subissent des discriminations, des insultes, ou des violences. Je vous donne un exemple : une personne subit une discrimination et en fait part à sa hiérarchie, mais aucune suite n'est donnée dans des délais qui nous semblent raisonnables. Dans ce cas, nous intervenons en prenant contact avec la hiérarchie et en mettant le salarié en lien avec la DRH Groupe, avec laquelle nous travaillons toujours étroitement.
Faire son coming-out à la SNCF est-il aisé ?
Des formes d'auto-censure persistent. Les gens n’osent pas toujours nous contacter ou contacter les services de l'Ethique. C'est aussi pour cela que nous faisons de la sensibilisation dans les établissements : c'est grâce à la parole que les discriminations vont diminuer. Notre rôle est d’être présents pour les salariés qui ont peur de parler à leur interlocuteur RH car ils sont mal à l'aise, en garantissant leur anonymat. Le coming-out n'est évidemment pas une obligation au sein de l'entreprise, mais il est vrai que beaucoup de salariés se censurent encore trop souvent.
Et se privent de certains avantages…
Oui, comme les congés d'accueil pour les enfants, les facilités de circulation pour les conjoints, les mutuelles santé, invitations des comités d'entreprise, etc. D'où l'importance de sensibiliser les salariés en interne pour que les gens se sentent à l'aise et comprennent que la SNCF intègre tous les enjeux de la diversité.
Comment ?
Avec SNCF Mixité, mais aussi l'Action Sociale SNCF, ou encore les gens qui travaillent sur les sujets liés à la diversité dans le Groupe, nous organisons des forums dans les établissements, déjà pour faire connaître Gare!. L'intérêt des forums, c'est qu'il y a plusieurs stands, pas seulement le nôtre donc cela contribue à faciliter la rencontre entre les salariés, moins effrayés à l’idée de venir échanger avec nous.
Comment abordez-vous les enjeux liés à la transition de genre ?
Nous faisons de l'accompagnement individuel, auprès de la personne concernée, mais aussi auprès des équipes. Nous allons d'abord expliquer au manager de l'agent en question ce que signifie une transition de genre, quelles implications cela va avoir, quels questionnements cela va susciter chez les autres agents, etc. Notre but, c'est de l'aider à prendre en charge la situation dans son ensemble. On accompagne aussi, bien sûr, la personne, pour répondre à ses questions, en particulier administratives, et pour faire le lien avec les services RH. Notre travail a permis la mise en place d'un process permettant aux personnes en transition de modifier leur prénom d'usage en interne, et ce, avant que le changement ne soit officialisé à l'État civil.
Et vis-à-vis des voyageurs ?
De notre point de vue, les contrôleurs devraient être mieux informés. Un exemple typique de situation problématique : le contrôleur demande un document d'identité au voyageur, et l'apparence physique sur la photo ne correspond pas à celle de la personne qu'il a en face de lui. Là, pour un contrôleur, se pose la question d'une potentielle usurpation d'identité. Toute la difficulté réside dans le fait de prendre en compte les enjeux de sécurité, tout en respectant la marche à suivre et en restant bienveillant.
Reste-t-il des sujets tabous ?
Non, car nous abordons toutes les questions. Par exemple, sur les sujets liés à la civilité, nous collaborons avec SNCF Voyageurs pour faire évoluer les choses à l’avenir, soit en supprimant les civilités, soit en ajoutant la possibilité de ne pas l'indiquer. Pour les voyageurs, cela concerne les achats de billets, et, en interne, les démarches informatiques des salariés, sachant qu'il y a une multitude d'outils informatiques à la SNCF.
Et les tenues vestimentaires ?
Il y a plusieurs sujets liés aux tenues : l'accès des personnes en transition au vestiaire du genre qui leur correspond au moment où elles en font la demande, celui des personnes non-binaires au vestiaire du genre différent de celui auquel elles ont été assignées à la naissance, et puis les personnes qui ne se sentent pas à l'aise avec les coupes des vêtements liées à leur genre et souhaiteraient pouvoir s'habiller avec des vêtements traditionnellement réservés à l'autre genre. Grâce à l'action de Gare!, il est désormais possible pour les agents SNCF Voyageurs d'accéder à toutes les pièces du vestiaire, indépendamment du genre de de la personne.
Quelle est la position de Gare! ?
L’association souhaiterait déployer des tenues non genrées. Ce sujet a été soulevé quand la compagnie ferroviaire allemande Deutsche Bahn a rendu possible le fait, pour les cheminots, de choisir leurs tenues librement. Notre but, c'est de garantir un vestiaire un peu neutre pour que les agents se sentent à l'aise avec leur uniforme.
Organisez-vous des événements ?
En 2019, nous avons pelliculé un TGV aux couleurs du drapeau arc-en-ciel pour commémorer les 50 ans de Stonewall, et 50 gares ont aussi été pavoisées aux couleurs du drapeau LGBT+.
Y a-t-il des rendez-vous dans l’année ?
Tous les ans, nous préparons avec la DRH Groupe le 17 mai, Journée internationale de lutte contre les LGBT-phobies. Nous organisons des conférences, voire une pièce de théâtre, en plus des messages de sensibilisation auprès des salariés. En 2023, nous avons créé l'événement avec signature de la charte avec L'Autre Cercle1 en présence du ministre des Transports et de la Ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances. Et puis nous participons aux Marches des fiertés dans les grandes villes.
Et dans les territoires ?
On participe à la Marche des fiertés rurale qui se déroule dans la commune de Chenevelles, dans la Vienne. Nous avons mis en place avec Keolis une navette gratuite entre la gare de Châtellerault et le lieu de départ de cet événement. L'idée, c'était de promouvoir à la fois la Marche des fiertés rurale et les transports en commun.
Êtes-vous en lien avec d'autres associations ?
Nous travaillons beaucoup avec Flag!, l'association du Ministère de l'intérieur, avec Mobilisnoo, chez Orange, ou encore avec Rainbhopital, sur les sujets liés au VIH, aux IST, à la prévention. D'ailleurs nous avons une convention en interne avec la Mutuelle Entrain, la mutuelle des cheminots, pour aborder les questions de santé.
Et à l'international ?
Nous échangeons avec des associations d'entreprises ferroviaires issues d'autres pays, dans le cadre du réseau Trainbow Europe, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche, en Belgique, au Royaume-Uni et en Suisse. On se rencontre et on organise des conférences thématiques pour partager nos expériences et nos outils. Le but, c'est aussi de susciter la création d'associations dans d'autres pays pour avancer de concert sur les droits des LGBT+, aussi bien dans le monde ferroviaire que dans la société dans son ensemble. La prochaine réunion en France est prévue en octobre 2025.